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mardi 10 juin 2025

FIN du MOULIN (7).

Attention, le printemps ce sont aussi des indésirables dont les épillets danger de nos compagnons à quatre pattes. À propos de l’homo peut-être sapiens mais toujours aussi c.., si je pense aux pesolhs avant tout des pauvres soldats de 14, je me fais l’effet d’un ectoparasite, d’une tique suçeuse de sang, à pomper le bouquin des Bézian. Alors, un peu d’éther et décrochez-moi, la dernière goutte envenimée sera pour la fin des moulins à vent.

Convergence1, sur cette issue, les premiers mots des Bézian sont « Aprèp un temps n’en ven un autre... » Ajoutant «...I a un temps que trempa e l'autre que destrempa », mon grand-père Jean qui aurait eu 128 ans le 4 juin dernier signifiait aussi que la destinée fait passer du meilleur au pire et vice-versa, une sorte d’après la pluie le beau temps...

Illustration d'Edmond Pierre BELVÈS, ici Le secret de Maître Cornille des Lettres de mon Moulin, 1954, Flammarion. Coupable de le faire même sans avoir pour habitude de publier sans autorisation, j'espère que ce sera reçu en hommage à un dessinateur aussi fécond qu'apprécié.   

Ah ! Avant on se mariait entre moulins, plein de pages et de signatures sur l’acte ! Le meunier de sortie ne prenait pas son repas du panier, non, il mangeait au restaurant et rapportait du sucre, du café, un luxe que le commun des brassiers et journaliers ne pouvait se permettre ! Honoré sinon craint, le meunier comptait autant que le curé ! Même partis de rien, en gérant comme il fallait, ils faisaient fortune, amassaient des pistoles, dotaient les enfants ! La guerre de 14 a sonné le glas de l’époque faste.

Chevaux, charrettes, mulets, ânes réquisitionnés, un coup déjà. Puis les hommes ; malgré les femmes, des vieux vaillants2, l'activité est tombée en sommeil. Et la suite… gueules cassées, poumons gazés, jambes en bois, bras en moins… et puis les filles préféraient chercher ailleurs. Le moulin n’y suffisait plus ; de complément, les terres sont devenues essentielles, sinon l’élevage, oies, canards, dindons, pintades, poules, lapins, cochons. Les hommes partaient même se louer, les fenaisons, les moissons ; un, à la saison, revendait les châtaignes de la Montagne Noire ; un autre a risqué l'achat d'un premier autobus. 

Et puis la farine des moulins n'a plus suffi aux boulangeries naissantes nécessitant l'apport régulier et en quantité de farines que seuls les minotiers (3) pouvaient fournir. 

Après 1918, le pain à la ferme, avec ses avantages et ses défauts, est devenu plus rare. 

Les jeunes sont partis à la ville ou cuire des tuiles à Castelnaudary, ou faire maçon…

39-45, saloperie de guerre encore ! Pourtant, un sursaut pour les ailes au vent, à cause des cartes d’alimentation, du blé d'une France assujettie, réservé à l’Allemagne. (à suivre)

1 Hier dans ma rue, un couple de nos âges cherchant à rejoindre Fleury en fête et ayant perdu l'église m'a remercié en risquant un « adishatz » suivi de « comprenetz ? » — Aco m'agrada plan, j'ai répondu. Un peu devant, la femme est revenue sur ses pas, ils ne comprenaient pas « agradar ». Partage avec l'occitan toulousomontalbanais. 

2 Les auteurs relèvent « mamé » comme je le dis et écris, ça fait plaisir ; nul besoin de « e » final, « mamé » comme « tati » c’est déjà féminin. 

(3) Déjà en 1869, avec le Secret de Maître Cornille, Daudet des « Lettres de mon Moulin » faisait plus qu'annoncer cette mutation irréversible. 


jeudi 30 mars 2023

ES SO QUE VEI DE SOUN OUSTAL

 Un vers des douze strophes du « Doublidaire » de Jean Camp, écrivain et poète sallois, tant en français qu’en occitan. A côté de celui qui est monté à Paris en se disant qu’il reviendrait à la retraite, d’un autre qui compense en rejoignant une communauté (Auvergnats, Corses, Bretons, Alsaciens, Savoyards, Franc-comtois, Basques, Ariégeois, Languedociens... ) en important ses traditions (fêtes, accent, langue, cuisine), le doublidaire, celui qui oublie, a rejoint la capitale en homme neuf voulant repartir de zéro. Un seul but : réussir. Dans son poème, plutôt que de le culpabiliser en vain, Jean Camp dresse un constat. Pour lui, le migrant lambda a d’abord cette caractéristique de fuir la difficulté « trapo la terro trop basso », il trouve la terre trop basse et se tourne vers Paris. Là il se fait passer pour l’homme qu’il faut être : superficiel, parlant pointu, portant des gants, prenant pour femme une mince qui se maquille, à l’opposé d’une de la campagne. 

" Il pensait à la soeur d'Éliacin, aussi forte qu'une jument, et capable de donner des enfants puissants.../... ne te laisse pas escagasser par une jolie figure. Ce qu'il nous faut, c'est des hanches larges, des jambes longues, et de beaux gros tétés... " Le Papet / Manon des Sources, Marcel Pagnol, 1963. 

 S’ils ont un enfant, il ne sera que de la ville, complètement étranger à une vie de village au rythme des saisons, fondée sur ce que la terre produit, proche de la nature ; plus rien ne le rattache ; les nœuds sont coupés ; les paysages, la culture occultés : la Clape, l’Alaric, il ne peut savoir de quoi il s’agit ; il vit en parisien : le métro, le théâtre, il connaît ; les noms de Mir, de Mistral lui restent inconnus mais Montmartre « es so que vei de soun oustal », c’est ce qu’il voit de sa maison. « L’oustal », un seul mot de la part de Camp dont les parents font partie de ceux qui ont quitté le pays en emportant ou non, la terre du pays à la semelle des souliers. 



dimanche 13 février 2022

LE POUMAÏROL (13) Passage dangereux pour les mineurs !

Pour couper aux restrictions liées au covid, deux copains se sont mis d'accord pour une petite virée pas loin et pourtant dans une contrée à la vie rude, dans la Montagne Noire sauvage, à l'écart de l'axe Mazamet-Carcassonne. 
Depuis Narbonne, en passant par Minerve, ils ont suivi le cours étonnant de la Cesse avant de monter vers le Plateau du Poumaïrol.  
"ATTENTION : ces individus ne souhaitent pas révéler leurs visages, nous les avons appelés Serge et Roger ; sur quelques lignes, ils se laissent aller à un certain vocabulaire réservé aux adultes et pas encore à une jeunesse chaste, innocente et fragile... du moins à ce que l'on croit.    
Roger : avec plus d'eau, des conditions idéales pour une forêt dense, même si elle est cultivée depuis longtemps. Beaucoup de petites industries du verre dans le coin ; il en fallait du bois ! 
 
Les Verreries-de-Moussans Eglise St-Thomas wikimedia commons Author Fagairolles 34
 

Serge : et oui, les Verreries-de-Moussans... Dire que j'y suis monté en bonne compagnie à l'arrière de la 203 du copain lui aussi en couple ! 
 
Roger : hééééé tu n'en avais jamais parlé ! 
 
Serge : et oui, à propos d'amour, on ne dit jamais tout... 
 
Roger : ou l'inverse : on en dit trop quitte à en rajouter... sauf pour nous qui avons dépassé ce plafond de verre depuis longtemps ! 
 
Serge : le printemps débutait à peine... chacun dans une chambre de la maison inoccupée, de sa grand-mère, sauf l'été. Du concret, pas le virtuel des filles du Poumaïrol ! Pas même le souvenir d'avoir eu froid !

Roger : tu vas bien, c'est loin derrière nous... Être ou avoir été...
 
Serge : et oui, bien cinquante ans en arrière ! 
 
Roger : c'est sûr que tu n'as pas regardé les châtaigniers, les hêtres, les épicéas, les pins et les séquoias ! tu ne t'es pas demandé pourquoi la forêt était si dense, seule comptait la gonzesse qui avait tout pour plaire ! Qu'est-ce que ça a donné ? 
 
Serge : ah ! m'en parle pas... du plaisir, on s'aimait... c'était avec mon ex... Hélas, ces deux lettres suffisent pour résumer la suite... Que la vie passe vite quand même... 
 
Roger : ne nous plaignons pas, nous n'avons pas connu la guerre ! quel reproche injuste, définitif, trop commode de la part des parents qui n'ont pas d'autre argument ! Dans ce coin, pourtant, des familles gardent en mémoire des faits plus tragiques. On laisse à droite la route du col de Serières qui redescend, justement, vers les Verreries-de-Moussans... Dis, avec ou sans protection l'amour des années 60 ? 
 
Serge : tu es bien indiscret, animal ! Sans, si tu veux savoir... Je te renvoie à la chanson de Stromae qui a fait beaucoup de bien dans la psychologie machiste, question pureté ou impureté de la femme... "Rendez-vous aux prochaines règles..." : au moins nous savions qu'elles nous protégeaient, enfin, je n'en sais pas plus, on ne savait rien, les tabous et non-dits empêchaient tout... Je n'ai retenu que ça, comme pour les paroles de Stromae, le leitmotiv, sans rien chercher le sens profond du morceau... Il fait déjà partie des chanteurs qui comptent, une classe au moins au dessus... Hé ! ne raconte pas tout dans tes articles, attends d'écrire un jour des pages olé olé pour les plus de dix-huit ans... 
 
Roger : Holà ! faut être connu pour se le permettre ! La Fontaine, Apollinaire, sinon Miller, le seul que j'ai lu... tu vois, je ne suis pas initié...
 
Serge : c'est que dans ce domaine, la théorie peut venir après la pratique... Gare-toi un moment qu'on ne capte pas partout par ici...   
 
Roger : tu as de la chance ! Là on peut stationner, il y a un point de vue... et puis allume mon bidule, mon module, enfin mon capteur que je ne sais plus comment ça s'appelle !
 
Serge : bon, c'est encore sur Wikipedia que les références sont les plus complètes. la littérature érotique et même porno a existé de tous temps et je te dis pas les illustrations, de même que la libido des religieux des deux sexes !  Ah ! Kessel, "Belle de Jour", Léautaud, je ne savais pas, et Aragon dis, "Le con d'Irène" ! Virginie Despentes "Baise-moi" ! fallait oser !
 
Roger : et cette femme, devenue chroniqueuse, attention, pas commode, agressive, qui donne pas envie... son nom m'échappe... 
 
Serge : je la cherchais aussi : elle est marquée dans les autobiographies, ça y est, je l'ai : "La vie sexuelle de Catherine M.", Catherine Millet ! 
 

 
Roger : oui, c'est ça ! je suis d'une inculture crasse... On va le voir ce point de vue, manière de se laver l'esprit de ces pulsions lubriques ? J'y suis monté en été, dans les bruyères fleuries, un temps frais avec une brume étonnante, si près de la Méditerranée. Dans le vallon en dessous, le ruisseau, la Cesse, je l'ignorais à l'époque. Tu as regardé la carte ? le Roc Suzadou ça s'appelle, dans les sept-cents mètres à quicon proché (à quelque chose près)... 
 
 
Serge : oui, j'ai vu, ensuite ça grimpe encore mais dans deux ou trois kilomètres, ce sera le plateau du Poumaïrol d'où les filles fraîches descendaient pour les vendanges, les pommes, les châtaignes en remontant, les olives, les sarments en redescendant à nouveau dans la plaine... 
 
Roger : quelle belle histoire ! Heureusement que ce numéro de Folklore de l'hiver 1974, ils publiaient à chaque saison, nous est tombé sous les yeux ! Chez elles, une vie rustique entre huit et neuf-cents mètres d'altitude, avec le froid, la neige, les brouillards, le printemps et l'automne plus courts et seulement une paire de vaches, le foin pour l'hiver, des pommes-de-terre...
 
Serge : oui, je l'ai là, l'article, il dit aussi qu'ils cultivaient des navets noirs, des oignons qu'elles tressaient par douzaines les jours de pluie, les moungils, une variété de haricots qu'elles triaient à la veillée... ah, pour un cassoulet ! Le nôtre on l'a bien digéré, tu as vu ! Enfin, une économie de subsistance, du lait, des fromages sûrement, peut-être aussi des stères de bois de chauffage, des charbonnières... c'est sûr que les quatre sous gagnés en bas étaient les bienvenus... Ah ! je lis aussi qu'ils entretenaient des glacières remplies de neige l'hiver et qu'ils descendaient la glace l'été, pour les cafés de Carcassonne.
 
Roger : c'est sûr que les Mountagnols appréciaient de remonter avec l'argent des vendanges, ça me fait penser aux Ariégeois... la montagne était pauvre et faisait beaucoup d'enfants. 
 
Serge : c'est après la guerre de 14 que le plateau a commencé à se dépeupler... 
 
Roger : avant, peut-être, regarde, mon grand-père Jean, né en 1897, sa famille avait déjà quitté les montagnes de Montagagne, au-dessus de la haute vallée de l'Arize et de La-Bastide-de Sérou (1). 
 
(1) En 1926, 45 familles soit 285 habitants vivaient encore sur le plateau. En 1960 les familles n'étaient plus que 4 avec 18 personnes ; l'école a fermé en 1962, l'activité agricole a été abandonnée. Dans les années 70, alors qu'il ne restait que les vieux, de nouvelles familles sont venues, même si leurs visées étaient plus personnelles, apporter du sang neuf pour que le Poumaïrol ne meure pas.