jeudi 4 décembre 2025

LIONNES s'il faut, les KENYANES ! (14)

Et peut-être pour dédramatiser un sujet si commun sur les bassesses humaines, fredonnant «... Où vont les flots bleus du Tanganyika... », me sont revenus et l'air et quatre paroles de Sardou dans « Afrique Adieu »... Oui, on pourrait prolonger et objecter que des chansons sur la colonisation ou Zombi Dupont relèvent d'une nostalgie impérialiste sauf que c'est qu'elles dénoncent aussi et bannissent le passif de notre pays exploiteur et paternaliste (1)... 
J'assume aimer Sardou même « Si les Ricains n'étaient pas là... » (2). 
Ce n'est pas taper en touche que de citer une chanson, documents et jalons de l'Histoire des Hommes, elles en disent long sur soi, les époques, les bouleversements plus rapides qu'on ne croit, de sens moral même... 
Autre facteur du paradigme : « Quand j'étais petit garçon, je récitais mes leçons, en chantant... » Sardou encore mais aussi, si vous en êtes « ...Et c'est tellement plus mignon de se faire traiter de con, en chanson... ». Des sources certaines au « Cogito ergo sum », le « je pense donc je suis » d'un certain René Descartes (3). Persistant et signant, entre autres nombreuses références ponctuelles dans les quelques 1600 articles publiés, une dizaine d'entre eux titrés « Le Monde ne devrait être que chanson et musique », une assiduité qui en attesterait, non ? (4) 
 
Le Kenya, pour la faune de ses réserves...

Les hôtesses appellent, plus efficacement que les communications au micro, caverneuses, marmonnées, à n'y comprendre que “ quouic ” ! (papa prononçait comme ça mais en argot, c'est “ pouic ” plutôt). Burundi et Mayotte se saluent d'un poing-à-poing. Évitant d'employer  “ check ”, à l'orthographe, d'ailleurs, peu sûre, quoique, de ma part, sans équivalent, à propos du “ scan ” quand ma carte ne passe pas et que les “ rouge kenya ”, véritables cerbères bien qu'au physique plaisant, me sortent de la file. Quoi encore ? un seul titre de transport pour une correspondance : non, iatus entre ici et Paris... La dame aux chapeaux est passée, elle. Contrariée, une plie mon sésame comme d'un coup de griffe. Une autre m'en donne un second... tandis que la dominante chapeaute ! Non mais... ils croient tout imposer, à Charles-de-Gaulle ?! Victime collatérale, je me sens, pas amorphe quoique, en tout cas obligé des femmes, le lion sur la vitre du Jomo Kenyatta International Airport, c'est pour sauver les apparences... Suite au scan en bonne et due forme, après hésitation, l'indisposée me rend la première carte, heureusement, les récépissés des bagages sont collés derrière ; elle aurait pu tout aussi bien mettre à la poubelle, je ne sais plus à quel moment je réalise alors que le risque de ne pas retrouver les valises à l'arrivée reste latent... voilà ce qu'il en est de la passivité et du flegme... et de quelques mots aussi vengeurs que lâches... 
Pas dans la jungle, la savane plutôt «... le lion est mort ce soir ohim bowé ohim bowé... » Reprise par The Tokens (1961) et la même année détournée en français par Gloria Lasso et heureusement plus fidèlement par Henri Salvador (1962), de la chanson Mbube (1939) de Solomon Linda. 

Dilemme au moment de titrer :  les femmes ou les chansons ? et moi et moi et moi ? (à suivre)

(1) À entendre qu'on leur aurait tant apporté, comment ne pas soupirer à l'idée du chemin de fer, par exemple le si meurtrier Congo-Océan ? Comment ne pas se poser la question de l'uranium à propos d'Areva au Niger et au-delà, d'une prétendue indépendance nucléaire de la France ?  Et puis comment accepter  des paroles telles que 
« Non, la nature n'a pas voulu que les gens soient égaux. Les Noirs, ils sont gentils. Les Noirs, je les aime bien, mais ils sont quand même un peu enfants. Ce sont des enfants, il faut les aimer comme des enfants.
Or on les traite comme des grandes personnes : il faut d'abord les éduquer. Il n'y a pas de civilisation : s'il y en avait une, on la connaîtrait ! Il y a des artistes noirs, mais il y a peu de choses que, jusqu'à présent, les Noirs ont faites. Les Noirs n'ont pas construit Notre-Dame de Paris, n'ont pas construit les Pyramides, n'ont pas construit la tour Eiffel... » ou encore qui chantait en 1955 qu'au Noël des enfants noirs c'est un bon dieu blanc qui trônait... Terrible, non, de la part d'un artiste si aimé à Narbonne ? Bien sûr, révélateur seulement d'un état d'esprit trop bien partagé, ne méritant pas pour autant l'anathème... ne soyons pas censeurs de l'anachronisme...  

(2) vrai qu'il est d'autant plus léger, partiel et partial, à propos des militaires, en n'évoquant pas les “ 18 ” millions de combattants soviétiques morts ou disparus... Si les Ruskofs n'avaient pas pris le dessus sur les nazis, nous serions tous en Germanie... sauf que la propagande à la française éludait cela au nom de l'appartenance au bloc de l'Ouest... et si de Gaulle avait interdit la chanson de Sardou, c'était, culminant avec le rejet des bases de l'OTAN, en réponse des noises causées par Roosevelt et des Amerloques qui auraient débarqué en pays conquis imposant même une autre monnaie que le franc.  
 
(3) Que voulez-vous, écrire ouvre tant de ressentis dans des tiroirs gigognes habituellement fermés, que, ne me traitant pas de con en chanson, un lecteur plus méchant a taxé mon propos de charabia indigeste, enfin dans l'esprit (je n'ai pas noté même si cela m'a obligé à une relative introspection). Or pourquoi taire ce qui pourrait passer pour “ du coq à l'âne ” alors que ces pulsions émergent à l'insu de son plein gré. En écrivant “ petit garçon ”, je ne peux m'empêcher de repenser à Ingrid Bergman (parce qu'ils en ont parlé dernièrement), si peu maternelle que c'en est choquant ; et, en évoquant le mathématicien philosophe, je revois un Louis du village, brave homme au demeurant, avec qui on pouvait échanger, vieux garçon aimant jouer au poker, qui, lorsqu'ils donnèrent le nom de “ Descartes ” à sa rue, conscient que les « braves gens ” ne voyaient que vice à son passe-temps du dimanche, s'exclama « E va saboun aco ? » (Et ils le savent ça ?). Bref, que mettre en commun ? qui associer en prétendant « Partager le Voyage » ?   

(3) Considérant la disproportion entre l'investissement demandé et le bénéfice potentiel rapporté par une chanson, Joe Dassin avait confié qu'elle ne représentait qu'un « art mineur »... à méditer certes mais pas à mon humble avis...  


mercredi 3 décembre 2025

De NAIROBI au TANGANYIKA et retour (13)

Alors, avec cette facilité que nous avons à résumer une vie à un inconnu en moins d'une minute, je m'entends dire, en diagonale : Mayotte, le contrat, mon dernier garçon, le Languedoc, mon village. Parfois une hôtesse rouge kenya passe en racolant les retardataires... jupe ou pantalon, moulées visiblement sans contrainte, sans interdit sociétal voire religieux, elles ont l'arrière-train rebondi comme un globe terrestre, un cul de Black comme dit ma belle-sœur mahoraise, juste pour souligner ce qui est, en laissant à chacun l'implicite qu'il voudra bien y voir. certes, une plastique avantageuse sauf que j'y vois juste de quoi concilier la partie la plus charnue de notre anatomie avec la dureté des sièges... Ah, j'oubliais de noter un petit moelleux pour les rangées de ce côté, un molletonné réservé aux habitués... 

Il se dit Tutsi, catholique, monogame, trois filles... Quoi encore avant que tout ne s'efface ? que les tambours du Burundi sont reconnus non seulement en Afrique mais aussi à l'international (1), que la bière de banane de sa belle-mère est la meilleure et que c'est un juste retour des choses vu la dot qu'il a fallu rassembler... aux mâles de payer ! 

Bujumbura_Burundi_Lac_Tanganyika 2025 under the Creative Commons CC0 1.0 Universal Public Domain Dedication. Auteur Edouard mhg (je ne suis pas le seul à coller parfois mon doigt devant l'objectif... 

Tout à coup me revient l'histoire de ce crocodile mangeur d'hommes : 

— Ah ! vous voulez dire « Gustave », le géant du Tanganyika et de la Rusizi ! Il a tué et mangé tant de monde ! (2)
 
Le crocodile plutôt ; la corruption, les tueries, mieux vaut ne pas engager la discussion sur ces terrains fangeux ou chacun en arriverait à presque défendre ses personnages en vue mais douteux. Il revient d'Addis-Abeba, d'une conférence de l'OUA ; lui aussi aime autant un sujet moins impliquant bien que lié à nos non-dits réciproques. En Afrique, c'est souvent adresser à un troisième interlocuteur non impliqué, ce qu'on n'ose pas lancer au visage du deuxième (on retrouve ce biais à Mayotte aussi). Ici, de lui à moi, afin de ne pas trop soulever les bassesses de nos pays respectifs, avec les coloniaux britanniques et le Kenya, la discussion trouve un sujet plus neutre, en trompe-l'œil, disons... 
Il a dit « Kikuyu » à propos des hôtesses, que les préposés à la propreté des toilettes appartiennent à des ethnies minoritaires, que le Jomo Kenyatta (l'aéroport porte son nom) de l'indépendance a eu le souci de ne pas déconstruire l'État colonial et non celui de faire nation, qu'il aurait été le Mandela, prisonnier puis président, du pays, que, modéré, gage d'une alliance de classe avec les colons, désavouant la révolte des Mau-Mau muée en criminalité extrême, il aurait permis au Kenya obligé de mettre fin à l'apartheid de rester sous l'influence du Royaume-Uni. « Apartheid », le mot terrible est lâché... entre parenthèses, c'est au nom de cette politique inacceptable que nous devrions détonner au sein des amateurs de rugby rendant un hommage aveugle aux équipes de France en tournée en Afrique-du-Sud. Certes au bas de l'échelle nous ne savions pas sauf qu'à présent que nous savons, c'est tomber dans l'indignité de faire comme si. 
Avec un tel voisin une bonne heure a bien coupé les six à attendre ; moins pointu sur le sujet, astreint à ne pas en rajouter, comme si la mesure avec nos monarques républicains était atteinte auprès d'un étranger ; en acceptant aussi de savoir écouter. (à suivre) 

Crocodylus_niloticus Lac Chamo Ethiopie 2012  under the Creative Commons Attribution-Share Alike 3.0 Unported, 2.5 Generic, 2.0 Generic and 1.0 Generic license. Auteur Bernard Gagnon

(1) « tambourinaire » ils disent, comme l'occitan en prononçant toutes les voyelles.  
(2) « Gustave », c'est un Français qui lui a donné ce nom. Ce spécimen, trois fois plus gros qu'un crocodile du Nil ordinaire, contrairement à ses congénères, ne peut se nourrir que de proies lentes. On lui attribue 300 victimes sauf que toute disparition lui est imputée. Né en 1955, il a échappé aux captures et son cuir compte nombre de cicatrices de balles. Vu et filmé en 2007 toujours par Patrice Faye, on ne sait pas ce qu'il est devenu depuis 2014 (ou 2016)... Si plus une mort ne lui est attribuée, vit-il toujours ? Il serait âgé de 70-75 ans... ces crocodiles peuvent devenir centenaires...