dimanche 10 juin 2018

LIMOUX, SI TU N'EXISTAIS PAS ! / la goulotte audoise (6)

Limoux d’un Carnaval qui dure trois mois. Son origine remonte aux meuniers qui fêtaient la remise des redevances aux autorités. Riches, ils avaient une réputation de voleurs… Une constance de la part des nantis, toujours très actuelle ! 

Pierrots 2007 Wikimedia Commons auteur tagon.
Limoux capitale oubliée de la chaussure avec une vieille tradition du travail des peaux, du tannage, quartier de la Blanquerie (blancariè[1], mégisserie en occitan). 

Repas de famille, l'été à Saint-Pierre-la-Mer.
Limoux de la fameuse Blanquette[2] (toujours avec la majuscule chez nous !) 


Au musée, on peut voir des scènes de la vie quotidienne, peintures de Marie Petiet. Achille Laugé, le peintre du Razès, y avait aussi son atelier. Quiétude, immortalité de ce que les artistes, grands ou petits, extériorisent sur une toile dévoilant aussi de leur âme. Si l’inspiration, le talent, trop bien cotés, finissent chez les milliardaires d’où elles ne sortent qu’exceptionnellement pour des enchères astronomiques, l’émotion, elle, n’a pas de prix et si Limoux était un tableau, on le devrait à Georges Coroir, le coiffeur de la rue Jean Jaurès, peintre à ses moments perdus.  


Et quel sujet plus attachant que le dernier cheval de trait de la ville, mené par Henri, déjà célèbre et honoré d’ouvrir maints défilés… Chez ces festéjaires, ce ne sont pas les occasions qui manquent ! Pêchard, cheval de la vigne passant le Pont-Vieux[3], pour sûr, un sujet à ne pas manquer !


Mais l’histoire n’en reste pas là ; elle a tout d’une Blanquette pétillante et seule Limoux, effervescente jusque dans les têtes, pouvait l’offrir ! 

Limoux Pont-Neuf auteur Tournasol7 commons wikimedia

Le temps n’arrangeant rien, un jour les arches sur l’Aude ne virent plus passer le fringant attelage : Henri était hospitalisé, Pêchard promis à une triste fin. Et c’est là qu’intervient à nouveau Georges, notre figaro inspiré ! Appuyé, suivi par tous les Limouxins, il a l’idée de reproduire en carte postale le tableau du vigneron et de son cheval. Une association est crée, de quoi payer la pension et soigner les rhumatismes du vieux Pêchard. Henri désormais à la retraite peut lui rendre visite régulièrement… Jusqu’au 18 avril 1994… 34 ans, un âge plus que respectable pour un cheval de trait. Henri Santisbèbe ne lui survivra que trois ans. 


Limoux du cheval de trait. Le 10 juin 1998, avec l’argent restant et le soutien des édiles, les amis de Pêchard sont à l’origine d’une statue équine, bien en vue, avec des ceps derrière, route de Carcassonne.  En 2016, l’association en cessation a fait don de 800 euros et d’un paquet de cartes postales pour parrainer l’adoption, au centre équestre, d’Uva de Bel Air, une trait comtoise. 


L'Ami, le cheval de papé Jean.
Vingt ans ce 10 juin 2018 que Pêchard, immortalisé, trône à l’entrée de la ville. 


Et dire que les gamins de l’Aude brocardaient jadis avec un « Va à Limoux ! » railleur, parce que la ville était plus connue pour son asile que pour son collège réputé.

Chapeau Limoux ! 

A propos, avec le nom de Georges, le coiffeur, celui de la Digne-d’Aval est cité aussi. N’y a prou, finaloment de toujours veïre de coïncidéncios !  


[1] Blanchisserie aussi en rapport avec une ancienne tradition drapière.
[2] Revue des œnologues et des techniques vitivinicoles et œnologiques, Bourgogne-Publications, 1998 p. 52 : « [...] à l'ancienne origine monastique (les bénédictins de Saint Hilaire, 1531) de l'élaboration naturelle du plus vieil effervescent du monde qui deviendra la Blanquette de Limoux. » (note issue de Wikipedia, article Blanquette de Limoux.
[3] Un Pont-Vieux datant des années 1300 alors que le Pont-Neuf, il est vrai refait, date des Romains.